Alors que le mariage et la vie de couple étaient autrefois considérés comme l’accomplissement ultime d’une relation, un phénomène nouveau gagne du terrain : de plus en plus d’hommes préfèrent désormais payer pour des relations sexuelles ponctuelles plutôt que de s’engager dans une relation stable. Ce choix, motivé par des désillusions amoureuses, des pressions économiques et une quête de liberté, traduit une crise profonde des rapports entre hommes et femmes au Togo et ailleurs. Mais derrière ce qui semble être une « solution pratique », se cachent des conséquences spirituelles, sanitaires et sociales préoccupantes.
Les jeudis et les week-ends, les mairies et maisons de fête vibrent au rythme des mariages. Les regards brillent, les cœurs battent à l’unisson, et les « oui » solennels scellent des unions pleines de promesses. Mais derrière cette apparente euphorie, beaucoup de couples ne résistent pas à l’épreuve du temps.
C’est ce qui est arrivé à Noël, 37 ans, séparé depuis cinq ans d’une relation qu’il pensait solide. « Et pourtant cela est arrivé suite à des incompréhensions soudaines sur des banalités. Nos voix peinaient à se croiser. On ne s’entendait presque plus sur rien et finalement, on a jugé bon de nous séparer. Heureusement, on n’était pas encore mariés légalement à la mairie, donc la séparation a été rapide, d’autant plus que nous n’avions pas d’enfant », confie-t-il à Togopost.
![[Dossier] Pourquoi certains hommes préfèrent désormais « les putes » à une relation normale 1 [Dossier] Pourquoi certains hommes préfèrent désormais « les putes » à une relation normale](https://i0.wp.com/togopost.tg/wp-content/uploads/2025/09/2.png?resize=696%2C464&ssl=1)
Depuis, Noël n’a jamais réussi à reconstruire une relation stable. « Depuis 2022, j’ai tenté de me relancer dans une nouvelle, mais ça n’a pas marché. Je tombe sur des filles qui, au départ, se montrent engagées à entamer un truc sérieux, mais au bout de quelques mois, leur comportement me montre autre chose, et quand c’est comme ça je désiste tranquillement. »
Désabusé, il a choisi une voie radicale : « Je ne m’efforce plus pour une relation. Je suis seul, sans engagement envers une fille. Je pense que c’est mieux. Si j’ai envie de sexe, je fais recours aux filles Bizzi (prostituées de luxe). Là, personne n’a d’engagement envers personne. »
[Dossier] Entre bien-être, séduction et dérives : Les réalités fracassantes des salles de Gym
Les caprices d’une génération ?
Pour Noël, ce choix s’explique par ce qu’il considère comme des comportements « excessifs » des jeunes femmes d’aujourd’hui. « À Lomé actuellement, on a l’impression que les jeunes filles ne veulent pas se marier ou ne sont pas tranquilles dans un foyer. Tu dragues une fille aujourd’hui, trois jours après elle déverse ses charges sur toi. Tantôt j’ai faim, tantôt mes produits de soins sont finis, ou c’est maman qui est malade, aide-moi à la soigner… et ça, c’est après quelques jours de relation. D’autres, tu les dragues, une semaine après, elles organisent leur anniversaire en comptant sur ta poche. »
Selon lui, même celles déjà en couple manquent de fidélité. « Maintenant il y en a qui sont au foyer mais qui découchent en désordre. Tout ça fait finalement peur. À Lomé, beaucoup de jeunes filles sont dans Bizzi. Elles sont à la maison, mais présentes sur les réseaux. On leur fait appel pour des séances de jambes en l’air contre de l’argent, elles le font même étant chez leurs parents qui ignorent tout d’elles. »
Son constat est amer : « Moi je plains beaucoup les hommes qui se préparent à se marier. Ils vont tomber sur des filles qui sont passées par beaucoup de garçons mais masquées. »
L’économie de l’amour : un calcul froid
Monsieur Jules, jeune entrepreneur, partage largement la même analyse. « Le fait que les hommes préfèrent les filles de rue vient de deux causes. Premièrement, la cherté de la vie aujourd’hui au Togo. L’homme a déjà du mal à prendre soin de sa femme et de ses enfants à la maison. Donc avec quels moyens pourrait-il entretenir une deuxième épouse ou une maîtresse ? Alors que la fille de rue ne demande rien d’autre que le coût de son service. »
Pour lui, l’avantage est clair : pas de dépenses supplémentaires, pas de pressions quotidiennes.
« Elle ne va pas demander l’argent du loyer, ni l’argent pour son entretien corporel, l’argent de poche, etc… Donc l’homme se satisfait là-bas, paie le prix du service et il n’y a plus d’autre engagement. »
Jules ajoute une deuxième raison : « Les filles qui sont à la maison exigent et demandent beaucoup trop dans les relations. Elles accrochent tous leurs soucis, y compris ceux de leurs familles, à leur pointeur. Trop d’engagements à honorer. Même si tu es un homme célibataire, c’est pesant. Tu finis par fuir ou par préférer les filles Bizzi ou travailleuses du sexe. Des filles de rue, il y en a qui sont aussi très belles, donc vaut mieux aller vers elles et faire plus d’économies. »
Togo : rentrée effective, plus de 3 000 000 d’élèves dans les écoles
Une illusion de facilité qui cache des dangers dans une relation
Ce choix, présenté comme « économique » ou « pratique », comporte pourtant de lourdes conséquences. Mama Sidoine, surnommée Mama Sisi, met en garde contre les risques spirituels et émotionnels : « Un rapport sexuel est une ouverture de son être. Autant de fois que tu couches avec quelqu’un, tu ramasses ses saletés en énergie et en esprit. Après, on se plaint que nos affaires ne marchent pas, ou que rien ne nous sourit dans la vie, sans oublier que ce sont certains de nos actes que nous posons qui nous bloquent. »
Pour elle, les divorces et échecs conjugaux ne doivent pas pousser à copier aveuglément des modèles extérieurs. « Les jeunes d’aujourd’hui doivent arrêter de copier toutes les civilisations occidentales et les pratiques des télé novelas. Chez nous en Afrique, certaines choses ont forcément des conséquences. Se marier nécessite de la patience et surtout la bonne maîtrise de celui ou celle avec qui on veut s’engager. »
![[Dossier] Pourquoi certains hommes préfèrent désormais « les putes » à une relation normale 3 [Dossier] Pourquoi certains hommes préfèrent désormais « les putes » à une relation normale](https://i0.wp.com/togopost.tg/wp-content/uploads/2025/09/pros.jpg?resize=523%2C392&ssl=1)
Mme Mawuenam, responsable de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH dans un CMS de Lomé, alerte sur le volet sanitaire : « Il y a d’abord le VIH Sida. Beaucoup pensent qu’il n’existe plus, mais il est là et continue de circuler ainsi que d’autres maladies sexuellement transmissibles, sans oublier les hépatites. Les préservatifs, OUI, mais ils ne préservent pas à 100 %. »
Elle insiste sur le danger des relations avec les « Bizzi » : « Les hommes qui choisissent de ne pas avoir de partenaire sexuel fixe s’exposent sérieusement, parce que quand ils vont vers les travailleuses du sexe, là au moins le risque est moindre puisque ces dernières savent que leur travail est risqué, donc elles font souvent des traitements. Ce qui n’est pas le cas avec les femmes Bizzi… Elles sont souvent les plus dangereuses pour les hommes qui vont vers elles, parce qu’ils les considèrent comme des filles ordinaires et donc ils ne se soucient pas trop de se préserver durant l’acte. »
Son conseil est clair : « Ça ne sert à rien d’éviter les engagements envers une femme en allant dans tous les sens et en exposant sa vie à des problèmes sanitaires. Tu veux une fille, étudie-la, faites ensemble les analyses qu’il faut, si vous êtes compatibles, faites alors votre vie ensemble. »
Un phénomène révélateur d’une crise sociale
Au-delà des parcours individuels, la préférence croissante pour les relations tarifées met en évidence une fracture plus large dans les rapports sociaux et amoureux. Elle révèle une méfiance généralisée, où hommes et femmes doutent de la sincérité de l’autre. Elle traduit aussi le poids écrasant de l’économie, dans un contexte marqué par chômage et précarité, où les attentes financières deviennent souvent explosives. S’y ajoute un individualisme assumé, beaucoup préférant préserver leur liberté plutôt que de bâtir ensemble. Enfin, les réseaux sociaux accentuent cette tendance, en véhiculant des modèles de relations centrés sur l’argent, le luxe et l’apparence.
Le choix de Noël, Jules et de tant d’autres, de payer plutôt que de s’engager, n’apporte aucune réponse durable : il ne comble ni le vide affectif, ni la solitude, ni les frustrations. Au contraire, il expose à des risques sanitaires, psychologiques et spirituels bien plus graves. Ce phénomène doit être pris comme un signal d’alarme collectif : il est urgent de repenser les rapports hommes-femmes, d’éduquer à la responsabilité affective et d’accompagner la jeunesse vers des modèles de relations plus équilibrés, sincères et durables.
Stan AZIATO
[DOSSIER] Togo : ces avantages fiscaux que les agriculteurs ignorent sur leur secteur