Lors de la 78e Assemblée Générale des Nations Unies, le Burkina Faso a marqué les esprits en adressant une leçon d’histoire au président français Emmanuel Macron. Un discours mémorable qui révèle une perspective africaine sur les relations passées et présentes entre l’Afrique et la France.
Le discours du Ministre d’État burkinabé, Bassolma Bazie, a mis en lumière plusieurs aspects essentiels. Tout d’abord, il a souligné que l’Afrique n’a jamais eu de sentiment antifrançais. Les peuples africains, réputés pour leur hospitalité et leur amour du prochain, n’ont pas d’animosité envers la France en tant que nation. Au contraire, c’est le comportement condescendant, arrogant, insolent, suffisant, paternaliste et prédateur de certaines pratiques françaises en Afrique qui suscitent la réaction des peuples.
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« L’Afrique n’aime pas comparer les morts ! C’est un manque d’éducation que de le faire ! Par conséquent, je m’incline respectueusement sur la mémoire de toutes les nationalités ayant perdu la vie en Afrique en générale et au Sahel en particulier. Ainsi, sur les sorties hasardeuse, condescendante et malheureuse du Président de la République Française Emmanuel Macron et qui frisent souvent le ridicule tout se glorifiant d’une hypothétique condescendance sur les peuples africains, je m’impose le devoir de lui faire un petit cours d’histoire sur sa propre histoire », a-t-il renchérit.
Et d’ajouter « voilà pourquoi, les salles de classes sont faites pour que les enfants apprennent les cours et grandissent bien, que de s’adonner à autre chose au risque de se perdre à jamais. Mais pour commencer, je précise qu’aucun peuple africain ne s’est opposé au peuple français : il n’y a pas donc de sentiment antifrançais en Afrique et il y en aura jamais du fait de notre légendaire hospitalité et amour du prochain. Il y a que les peuples africains refusent la condescendance, l’arrogance, l’insolence, la suffisance, le paternalisme, le pillage de ses ressources et le crime organisé ».
Rappel historique
Le discours a commencé par rappeler un fait historique peu connu : l’appel lancé par le général de Gaulle, « grand-père » d’Emmanuel Macron, à l’Afrique en 1940 à travers la BBC en Angleterre pour venir sauver la France des Nazis. Cet appel a conduit à la mobilisation de milliers d’africains, notamment 17 000 Maliens, qui ont sacrifié leur vie lors des deux guerres mondiales. Cette dette de sang envers la France semble parfois oubliée.
Comme rappel nous avons :
- « 17 000 Maliens morts pendant les deux guerres mondiales. Une dette de sang que la France semble avoir occulté », Cf livre de Bakari KAMIAN, Professeur agrégé de l’Université-Sorbonne : « Des tranchées de verdum à l’église Saint-Bernard : 80 000 combattants maliens au secours de la France (1914-1918) et 1939-1945 ». (Editions KARTHALA./ 2001. Extraits : 343- 345) ;
- « …Les morts pour la France (Page 343) Tableau 20 : les vétérans en AOF, 1952 et 1959 ;
- Page 344, Tableau 21 : Les vétérans soudanais des deux guerres :
- Total des victimes du Mali, du Burkina Faso et du Niger : 82 208 Combattants tombés ;
– Total Général AOF : 154 519 combattants. Cf. Source : Henri LIGER, Rapport de fin de mission en AOF, Dakar, le 13 juillet 1950, Archive du Sénégal, cote 4 D 68 (89) – voir Annexe V.
Pillage des ressources africaines
Le discours a également rappelé les paroles du président français François Mitterrand en 1986, qui reconnaissait que l’Afrique avait été pillée, non seulement en termes de matières premières, mais aussi d’hommes, de femmes, et d’enfants. Les pratiques d’exploitation humaine et de vol ont marqué l’histoire de la colonisation. Cependant, Bassolma Bazie a souligné que l’Afrique reste riche en ressources naturelles, notamment :
– 30 % des réserves minérales mondiales,
– 40 % des réserves d’or,
– 33 % des réserves de diamants,
– 80 % des réserves de coltan (utilisé dans les téléphones),
– 60 % des réserves de cobalt (essentiel pour les batteries),
– 55 % des réserves d’uranium, etc.
Une jeunesse africaine debout
Le discours a enfin évoqué l’attaque de Macron contre la maternité africaine, en comparant les populations africaines aux pays européens en termes de densité de population. Il a rappelé que l’Afrique, malgré sa taille et sa population, a des ressources abondantes et un potentiel inexploité.
Le discours de Bassolma Bazie a résonné comme un cri de la jeunesse africaine, déterminée à défendre l’Afrique et à s’opposer à l’exploitation passée et présente. Les paroles d’Aimé Césaire, qui avait déclaré que « l’Afrique est le seul continent au monde où les populations chantent, dansent et applaudissent pour ceux qui les appauvrissent, les affament et les torturent, » résonnent encore dans les mémoires.
Ce discours puissant du Burkina Faso réaffirme la nécessité de relations équitables entre l’Afrique et le reste du monde, tout en rappelant les richesses inestimables du continent.
Steven Wilson
