Tatouage sur le corps, Percing des oreilles, ou encore tresses (de tout genre) sur la tête des hommes, sont, en effet, des pratiques qui abondent dans les sociétés africaines de nos jours. Les raisons qui motivent ceux qui s’adonnent à cette pratique diffèrent d’un individu à l’autre. Sauf qu’eux tous sont généralement mal perçus dans les sociétés, à la limite, comme des délinquants ou des bandits, et sont traités comme tels.
Il n’est pas rare de voir au Togo et dans d’autres pays d’Afrique, des hommes porter fièrement sur leur corps des dessins ou tatouage, d’autres avec des boucles d’oreilles ou encore une chevelure défrisée (comme pour les femmes), des dreads… Le tatouage, le tressage et le port de boucles d’oreilles qui sont au départ des pratiques réservées aux femmes, sont aussi entretemps remarquées plus chez les artistes, les joueurs et les mannequins. Mais, par fanatisme aux stars ou pour des raisons personnelles, des jeunes finissent par les adopter.
Spécialement et traditionnellement associées aux femmes, les tresses sont progressivement devenues la pratique de certains hommes, en particulier dans le contexte du hip-hop et de la mode. Cette popularisation a dû certainement se faire entre les années 70, début du « hip-hop », et 2000, lorsque les musiques Rap et RnB étaient très à la mode et que les stars de cette époque arboraient cette coiffure. Des artistes comme Michael Jackson, Ludacris, ou encore des athlètes comme le basketteur Allen Iverson ont contribué à la popularisation des tresses chez les hommes.
Lire aussi : [Dossier] Qu’est-ce qui pousse les filles à la prostitution ? Les prostituées se prononcent
Tatouage, port de boucles d’oreilles et tresses, comme mode et séduction
En ce qui concerne la jeunesse, les uns évoquent une expression de personnalité, les autres, le plaisir ou encore la mode ou la tendance. Le cas du jeune Justin, étudiant en médecine à l’Université de Lomé. Il adopte cette tendance comme bon nombre de jeunes pour ressembler à certaines gloires de la musique, du cinéma ou du sport.
« J’ai commencé à porter de boucles d’oreilles parce que je suis fan de Jack Sparrow dans Pirate des Caraïbes. Vu que c’est mon idole, j’ai voulu lui ressembler en tout. Alors après mon bac, j’ai décidé de l’imiter à 100% », a confié l’étudiant à Togopost.
Pour Aboubacar, photographe à Adakpamé, le port de boucles à l’oreille est une manière de se distinguer et d’influencer les jeunes filles. « La boucle d’oreilles permet d’avoir un style propre (à lui, ndlr) et de paraître élégant aux yeux des filles », dit-il. Une affirmation confirmée par certaines filles qui trouvent élégants et très « classes » les hommes porteurs de boucles d’oreilles.
De nos jours, le tatouage est, également, devenu un moyen d’expression personnelle et artistique. Les personnes se font tatouer pour marquer des événements significatifs de leur vie, pour exprimer leur individualité ou pour orner leur corps d’œuvres d’art vivantes. C’est carrément un art pour Gloria, une esthéticienne à Lomé. Cette dernière espère que « les mentalités vont changer et que le tatouage soit un jour considéré comme un art ». Selon elle, en effet, une personne (que ce soit un homme ou une femme) qui se fait tatouer pour la vie, accomplit un geste artistique.
Des pratiques mal acceptées…
En Afrique, où de nombreuses civilisations ont existé, le tatouage a joué un rôle important dans certaines traditions. Petit ou grand, couvert ou non, il séduit de nombreux adeptes qui veulent être à la mode. Se faire tatouer n’est pas seulement une affaire de mode, mais aussi de tradition.
Le tatouage a, en sus, été perçu différemment selon les régions et les époques. Dans certaines cultures, il a été associé à des stéréotypes négatifs, tels que l’appartenance à des gangs, des mafias ou à des comportements déviants. Des préjugés qui ont poussé certaines personnes à prendre du recul face aux personnes tatouées.
« Nous sommes encore très loin de ce qui se fait en Amérique et en Europe. Il faudra peut-être encore une vingtaine d’années pour que le tatouage soit vraiment accepté », a affirmé Joseph, un jeune cadre de banque à Assiganmé (Grand Marché de Lomé).
Certains tendent à l’accepter, mais avec de la retenue. Le cas de Dame Eleonaure, Avocate à Lomé. « Un garde du corps avec des tatouages…moi je valide. Un chômeur des bas quartiers qui se tatoue… je trouve que ça fait trop gangster. Mais après je ne juge personne », nous a-t-elle confié.
« Les boucles d’oreilles c’est vulgaire. Ça donne l’allure d’un Bad boy tu vois. Après les tatous, perso ce n’est pas mon délire, mais chacun fait ce qu’il veut de son corps », ajoute Gloria, Commerçante à Bè-Kpota.
Les jeunes qui font une de ces trois pratiques ont toutes les peines à être prises au sérieux voire responsables. Un jeune homme qui porte des boucles d’oreilles se voit rapidement collé une étiquette. Face à un employeur, d’emblée, ils partent défavorisés à cause de la perception donnée par le port de boucle d’oreille, ou de tatouage sur le corps ou encore moins les tresses sur la tête. Ils ont, en outre, la peine à convaincre les employeurs, puisque ce signe sur eux laisse des doutes sur leur moralité.
Justin, cité plus haut, regrette d’avoir plusieurs fois été victime de ces stéréotypes. Raison pour laquelle, certains préfèrent aujourd’hui porter des boucles d’oreilles qui ne nécessitent pas forcément de percer les oreilles pour qu’après qu’ils puissent les enlever sans pour autant garder à vie les marques de ce comportement de la jeunesse.
Il est donc clair que le tatouage, le port de boucles d’oreilles et la tresse chez les hommes, quoi qu’hérités des civilisations anciennes de différentes communautés de par le monde, auront toutes les peines à s’imposer au sein des sociétés Togolaises, parce qu’ils ne répondent pas forcement aux pratiques culturelles de chaque communauté du Togo ou d’ailleurs. Tout comme le port de chaînes ou perles aux pieds chez les filles, le chemin de l’ancrage est encore long pour le tatouage, le port de boucles d’oreilles et de tresse chez les hommes.
Steven Wilson