Grand reportage: Comment les chefs coutumiers perdent leur valeur ?

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Grand reportage: Comment les chefs coutumiers perdent leur valeur ?
Grand reportage: Comment les chefs coutumiers perdent leur valeur ?

Comment un Chefs coutumiers peut-il activement contribuer à la cohésion sociale dans son milieu ? La question a fait l’objet d’un grand reportage effectué par votre journal Togopost auprès des têtes couronnées. Des nouveaux et anciens chefs cantons et chefs de villages dans le « Grand-Oti » et même d’ailleurs. Les réponses  de chacun d’eux laissent clairement voir que leur rôle est de plus en plus sapé.

Monarque de droit divin, leader spirituel et chef politique dans la période précoloniale, le chef traditionnel a perdu la quasi-totalité de ses pouvoirs avec l’arrivée du colon en Afrique. Ce dernier dans le souci de mieux contrôler les indigènes, a fait du chef traditionnel un collaborateur permanent de l’administration. Il devint alors un véritable trait d’union entre la population locale et l’administration coloniale.

Au Togo, la chefferie traditionnelle continue de jouer ce rôle de « trait d’union » entre la population locale et l’administration. Mais avec la petite nuance, qu’aujourd’hui, le chef est plus « politique » que « traditionnel ». Cette tendance, qui n’est pas forcément un choix libre, a incontestablement nui à la crédibilité des chefs traditionnels, surtout après les bouleversements politiques des années 90 de la démocratie.

Les chefs traditionnels ont de plus en plus du mal à s’imposer dans leur communauté. Ils ont de plus en plus du mal à se mettre au-dessus de la mêlée, à être neutre, surtout sur le plan politique. Ils ont de plus en plus du mal à être « un chef pour tous ». Ils affichent ouvertement leur appartenance politique, surtout pendant les élections et les réunions politiques. Ils perdent ainsi la confiance du côté de la partie politiquement opposée. Les chefs traditionnels n’ont pas caché aussi la rude concurrence avec les religions dites révélées, l’Islam et le christianisme et autres nombreux sectes qui considèrent les méthodes de la tradition africaine comme « primitives et sauvages ».

Grand reportage: Comment les chefs coutumiers perdent leur valeur ?
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Les us et coutume et la politique font-ils bon ménage ?

Dans l’Oti-nord, notre équipe était à TAMONGA, à NAGBENI, à BARKOISSI, à GALANGASHI. Dans l’Oti-sud, nous étions à MOGOU, à KOUMONGOU, à SAGBIEBOU à GANDO, à NALI, à BAOULE. A Gando et à SAGBIEBOU (Carrefour Gando), il n’y a pas encore de chef, mais nous avons discuté avec quelques notables.

Tous les chefs que nous avons abordés sont unanimes à reconnaitre qu’ils ne peuvent pas  faire l’unanimité sur le plan politique, mais la tradition qu’ils incarnent ne peut souffrir d’aucune contestation.

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Les chefs disent qu’aujourd’hui, la société moderne ne peut permettre à un représentant des us et coutumes de faire cavalier seul. Les chefs traditionnels appartiennent à une structure et leur rôle est clairement défini dans la constitution. Les chefs cantons, par exemple, sont subordonnés aux représentants du pouvoir central. Ils reçoivent les ordres de ce dernier.

 « Autrefois, les chefs cantons étaient tout-puissants. Ils accumulaient les fonctions du décideur et de la justice. Ils ne rendaient compte à personne. Mais avec l’organisation actuelle de la société, le rôle du chef traditionnel est réduit au gardien des us et coutumes. Les litiges sont tranchés dans les tribunaux, l’orientation de la politique générale est décidée au parlement Etc. L’organisation moderne de la société laisse très peu de marge de manœuvre aux chefs traditionnels », nous dit un chef traditionnel dans l’Oti-nord.

Grand reportage: Comment les chefs coutumiers perdent leur valeur ?
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Mais les chefs pensent que la tradition devrait faire l’unanimité. « La tradition a ses lois et ses règles. Ces lois et ces règles sont immuables. Ce qui fait la force et le respect d’un chef, c’est la maitrise de ces lois pour sauvegarder la cohésion sociale dans son milieu. Tout le monde ne peut pas être d’accord sur le plan politique, mais la tradition est la même pour tous sur le plan local. Chaque peuple à sa tradition et chaque peuple doit se soumettre aux exigences de sa tradition. Nous avons appris ce qui s’est passé avec un des nôtres. Il a osé brûler le fétiche protecteur de la famille parce qu’il s’est converti à une religion étrangère. Il est devenu fou. Quelles que soient les nouvelles religions que nous choisissions, nous ne devons pas oublier que nous sommes Africains. La tradition n’est pas la politique.», nous dit un notable de SAGBIEBOU.

Dans l’Oti-sud, un chef traditionnel répond en ces termes : « Un chef traditionnel peut sauvegarder la cohésion sociale à condition qu’il soit à l’écoute de sa population. Si le chef est cupide. Si le chef est injuste, si le chef privilégie sa position politique et méprise la défense des intérêts de sa population, il est clair qu’il ne peut pas être un bon acteur de la cohésion sociale ».

Grand reportage: Comment les chefs coutumiers perdent leur valeur ?
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Chefs coutumiers, mal choisis

Un notable, toujours dans l’Oti-sud, nous fait savoir qu’il y a des chefs « qui ont été ‘’parachuté’’ de loin pour venir gérer une communauté qu’ils connaissent mal. Il semble que c’est pour les récompenser pour service rendu aux hommes politiques. Ces chefs s’intéressent peu aux préoccupations de leurs populations. Ils disent avec arrogance qu’ils ne rendent compte qu’à Lomé ».

« Malgré les grands changements qui s’opèrent sur tous les plans en Afrique à cause de la mauvaise exploitation de l’école du Blanc, nous les Africains, nous devons tout faire pour ne pas abandonner nos racines. Les Chinois, les Indiens, les Indous,  n’ont pas méprisé leur tradition. Et pourtant, aujourd’hui, les Européens ont peur d’eux sur le plan développement. Moi, je crois fermement qu’un chef traditionnel doit être le symbole même de la cohésion sociale parce qu’il est la référence de tout le monde. La soumission de sa population dépendra donc de son comportement, de sa façon d’honorer la tradition. Les populations doivent se reconnaitre en leur chef.», nous révèle un grand notable de Mango.

En somme, les chefs traditionnels, ont été largement dépouillés de leur pouvoir. Mais la tradition demeure un pouvoir incontestable qui peut leur permettre d’œuvrer activement pour la cohésion sociale. Mais la politique doit cesser de se mêler lorsqu’il s’agit du choix d’un chef. Les populations ont des fois  l’impression qu’on leur impose certains chefs. Ces chefs ‘’imposés’’, la plupart du temps, ne répondent même pas aux critères d’un véritable représentant de la tradition.

Au sud du pays, en pays Ewé, le problème ne se pose pas. Parce que les populations ont décidé de faire confiance à certaines familles pour jouer ce rôle. A l’intérieur du pays, c’est une véritable cacophonie. Tout le monde peut être chef. Il suffit d’avoir un politiquement solide mentor à Lomé et surtout d’accepter d’être une docile courroie de transmission pour ce dernier. Il peut être détesté par sa population, ce n’est pas un problème !

Que les politiques se réservent…

Les politiciens doivent laisser les populations choisir elles-mêmes celles ou ceux qui doivent les diriger pour éviter des frustrations. Les frustrations sont les premières causes de la non-cohésion sociale dans un milieu.

Nous retenons aussi qu’un chef peut être un bon acteur de la cohésion sociale à condition qu’il soit bien élu, qu’il soit au-dessus de la mêlée, qu’il maitrise la tradition et qu’il soit à l’écoute de sa population.

Notre journal remercie tous les chefs qui ont eu l’amabilité de partager leur point de vue avec nos aimables lecteurs.

N’DJAMBARA Nassoma 

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