Entretien : Tewan Arzouma « le Galamsey tue beaucoup de jeunes de la région des savanes »

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Entretien : Tewan Arzouma « le Galamsey tue beaucoup de jeunes de la région des savanes »
Entretien : Tewan Arzouma « le Galamsey tue beaucoup de jeunes de la région des savanes »

Frappés par la pauvreté, beaucoup de jeunes de la région des savanes, surtout des zones frontalières avec le Ghana, qui à la recherche du bien-être et du mieux vivre migrent soit vers la Côte d’Ivoire soit vers le Ghana ou le Mali. Une fois dans ces pays, ces jeunes se dirigent vers les sites d’exploitation d’or, communément appelés  » Galamsey « . Malheureusement ces dernières années l’activité a été fatale pour beaucoup de jeunes. Quelle alternative pour cette jeunesse à la quête du bien-être ? Monsieur Tewan Arzouma, fils de la région des savanes, Professeur d’Histoire-Géographie en service livre dans cet entretien avec Togopost, les contours de cette activité. 

Bonjour Monsieur Tewan. Qu’entend t’on par Galamsey ?

Tewan Arzouma : Bonjour Togopost. Le terme Galamsey n’est pas une expression courante dans la plupart des langues. Le terme tire ses origines de l’anglais « gather them and sell « , ce qui veut dire littéralement  » rassemblez les et vendez ». L’expression a subi des transformations suite à un mélange des langues locales ghanéennes, notamment le Akan, le Tsui, etc… ce qui fait  qu’aujourd’hui nous sommes  arrivés à « Galamsey  » qui caractérise simplement l’exploitation illégale et à petite échelle de l’Or au Ghana.

Une fois sur les sites, comment l’exploitation se fait ?

Tewan Arzouma : L’activité se déroule sur plusieurs formes, mais les plus pratiquées par nos jeunes sont le  » dig and wash  » qui signifie « creuser et laver  » et l’exploitation de moulin qui consiste à utiliser un moteur dénommé « Tchan fan ».

Il y a aussi une autre forme  d’exploitation utilisée par les femmes et les mineurs, c’est le « kuduo ».

Entretien : Tewan Arzouma « le Galamsey tue beaucoup de jeunes de la région des savanes »
Entretien : Tewan Arzouma « le Galamsey tue beaucoup de jeunes de la région des savanes »

Qu’est-ce qui est à l’origine de ce désir manifeste de la jeunesse de la région des savanes de quitter leur terroir pour cette activité ?

Tewan Arzouma : L’étude économique des régions du Togo nous révèle clairement que la région des savanes est la plus pauvre. Les jeunes ayant le désir d’avoir les revenus pour se prendre en charge croient que Galamsay est la meilleure solution.

Il y a aussi l’insuffisance des opportunités  économiques  dans la savane. Vous avez pu constater que nous avons plein de jeunes diplômés sans emploi. Pour finir il y a aussi le suivisme et le désir de gain facile sans oublier l’influence des pairs.

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Parlez-nous un peu des conditions de travail une fois sur les sites d’exploitation d’or

Tewan Arzouma : Nous avons dit que Galamsay est l’exploitation illégale de l’or. Par conséquent, une activité  qui est déjà illégale suppose que les conditions de travail sont défavorables et donc précaires. Ce qui met en danger la sécurité des travailleurs. Le manque d’équipements de sécurité fait que le risque d’accident et d’exposition aux substances  toxiques est très élevé. Vous n’avez pas accès facilement aux infrastructures sanitaires lorsque vous êtes malade.

Le travail physique qui consiste à creuser manuellement les fosses est très pénible dans le  » dig and wash  » car cela demande une force humaine et plus de l’énergie. Les horaires de travail aussi sont très longs allant de 12 à 14 heures  par jour, voire plus. Vous travaillez  toute la semaine sauf une seule journée. L’absence de pause et de repos adéquat, c’est compliqué. Étant donné que l’activité est illégale il y a des perturbations dues aux arrestations des travailleurs par les forces de l’ordre et de sécurité…

Entretien : Tewan Arzouma « le Galamsey tue beaucoup de jeunes de la région des savanes »
Entretien : Tewan Arzouma « le Galamsey tue beaucoup de jeunes de la région des savanes »

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué désagréablement lors de votre séjour à Galamsey ?

Tewan Arzouma : La première chose, c’est les pertes en vies humaines dues aux accidents de travail et aux écroulements de terrains. Il y a aussi le risque d’accident que je déplore puisque moi-même j’ai été victime en 2020 quand j’ai été au Ghana. Nous étions en train de travailler et brusquement la machine avec laquelle nous travaillions a pris feu. Je me suis échappé mais j’ai été atteint en partie et je me suis retrouvé sur le lit de l’hôpital. Il y a aussi le délitement du tissu social qui ne me plaît pas du tout dans cette activité. Il y a une forme d’individualisme qui se développe là-bas. Lorsque vous arrivez à Galamsey, une fois rentré sur le site, c’est chacun pour soi. Il n’y a pas de frère, ni de sœur, chacun se cherche.

La rémunération aussi parfois est irrégulière ou absente lorsque le propriétaire des matériels de travail fait faillite au cours de la journée. Le jour-là vous allez vous endetter pour trouver quelque chose à manger puisque vous n’êtes pas chez vous…

Ces dernières années nous avons vu sur la toile des vidéos de  jeunes décédés suite aux écroulements de terrains sur des sites d’exploitation d’or. Quel message avez-vous à l’endroit de la jeunesse des savanes ?

Tewan Arzouma: Je les invite à la patience, au courage et surtout à la vigilance. C’est une activité assez complexe et pleine de risques. Je prie à nos jeunes frères et sœurs de la région des savanes de se détacher de cette aventure pleine de risques. Nous sommes sûrs et certain que nous allons arriver au bout. La Savane ne sera pas la dernière région. Nous sommes en cours de développement et j’ai foi que beaucoup de choses vont changer les années avenir dans la région.

Lorsqu’on s’aventure dans un marché où on ne sait pas ce qu’on vend on risque soi-même d’être transformé en marchandise dans le marché; alors patience et vigilance à nos chers jeunes de la région des savanes.

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Votre mot de fin Monsieur Tewan

Tewan Arzouma : Nous devons engager des efforts pour pouvoir trouver une solution adéquate à ce fléau. J’exhorte tout le monde à faire sa part, y compris les leaders des communautés religieuses.

Sensibilisons nos jeunes sur les conséquences du phénomène, cela pourrait les décourager.

L’autorité  de son côté doit revoir le cas de la jeunesse en améliorant l’éducation professionnelle des jeunes afin qu’ils puissent développer des compétences pour être utiles et compétitifs sur le marché de l’emploi.

Je vous remercie !

Réalisé par DOUMONE Kasan

 

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