[Dossier] Qu’est-ce qui pousse les filles à la prostitution ? Les prostituées se prononcent

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[Dossier] Qu’est-ce qui pousse les filles à la prostitution ? Les prostituées se prononcent

Elles sont souvent oisives dans la journée et occupées la nuit. Elles, ce sont bien sûr les travailleuses de sexe, communément appelées « les prostituées ». Dans les quartiers, elles sont souvent les plus sexy et n’hésitent pas à se faire remarquer par leur habillement. Mini robe ou mini-jupe, pantalon ou culotte collant, nez et lèvres percés, perles aux pieds… ce sont là leurs accoutrements de travail. C’est un métier « sale » et de « déshonneur » pour certains mais, elles le font sans honte. L’essentiel est d’arriver à leur fin, celle de gagner le maximum d’argent. Les raisons qui les poussent à ce boulot sont diverses, toutes en lien avec l’argent. Cela fait en tout cas l’affaire des hommes assoiffés sexuels. La plupart de ces filles de joie exercent la prostitution malgré elles et considèrent ce choix comme l’alternative pour refaire leur vie.

Il sonne 22h, et nous sommes à Avedji, le nouveau coin des travailleuses de sexe. « Psssss », « Chéri, viens, tu veux baiser ?», « Amesron, viens qu’on baise », « Chéri, attends », c’est entre autres par ces expressions que ces filles de joie attirent sur elles l’attention des hommes qui débarquent dans leur milieu.

Bienvenue dans le monde des prostituées. Ici, c’est une course contre la montre. Faire le maximum de gain durant le temps de son « exposition ». Et pour y arriver, la méthode est simple : coucher avec tous les hommes qui le veulent. L’essentiel est de se mettre d’accord sur le prix négocié, qui varie entre trois mille (3000) francs CFA et dix mille (10 000) francs CFA et plus pourquoi pas. Le reste dépendra de la générosité du client qui se pointe.

Qu’est-ce qui pousse les filles à la prostitution ? Les prostituées se prononcent

Que ce soit à Avedji ou sur le terrain de Saint Joseph, où la rédaction de votre journal a été, les filles rencontrées affirment être disponibles habituellement aux environs de 20 h jusqu’à l’aube. Agées de 18 ans et plus, elles sont de diverses nationalités : Togolaise, Nigériane et Ghanéenne entre autres et viennent de divers quartiers notamment Togblékopé, Nyekonakpoè, Agoè, Atikoumé. La motivation de chacune d’elles est spécifique.

La prostitution, un métier dit « sale » mais juteux…

C’est en effet un choix que certaines assument pour la plupart, car sur leurs lieux d’exposition, elles exercent à visage découvert. Par contre, d’autres camouflent leur identité en mettant du cache-nez. Leur métier rime peut-être avec le déshonneur, mais elles ne se laissent pas gausser par d’autres. Se moquer d’elles quand elles s’exposent, c’est attirer sur soi la foudre. Exemple palpable d’une scène vécue à Avedji où elles ont failli lyncher un groupe de filles qui leur a lancées de sales mots en passant.

Financièrement, elles s’en sortent tant bien que mal selon leurs propres propos. Certaines se disent n’avoir rien à envier aux fonctionnaires, puisque, affirment-elles, leurs revenus mensuels dépassent largement celui de certains fonctionnaires.

Le cas de Viviane, une fille de 28 ans, approchée à Avedji. « Quand je sors un soir, je peux revenir à la maison avec minimum vingt mille (20 000) francs CFA, si je n’ai pas eu assez de clients. Le jour où ça marche pour moi, mon revenu peut doubler jusqu’à atteindre même cinquante mille (50 000) francs et même au-delà si je tombe sur certaines personnes aisées », nous a-t-elle confié.

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De son côté, Souraya âgée de 24 ans et qui exerce aussi dans la journée, gagne encore plus. « J’ai des clients qui m’appellent directement quand ils ont besoin de moi. Par exemple dans la journée du ramadan passé, j’ai commencé par recevoir des appels pendant que j’étais à la grande prière. Aussitôt sortie de la prière, j’étais partie satisfaire ceux qui m’ont appelé. J’ai couché avec 7 hommes dans la journée et j’ai fait un chiffre de soixante-dix (70 000) mille francs CFA. Je ne sais pas quel fonctionnaire peut gagner ça dans une journée ! », s’est-elle exclamée.

Justine, une ancienne de 33 ans, célibataire et mère de deux enfants, s’est relancée dans la vie grâce à la prostitution. Selon elle, bien que le métier ne soit pas digne, il fait gagner.  « Il suffit d’avoir des ambitions. Savoir réellement ce pourquoi on se prostitue. S’il faut baiser avec tout le monde juste parce qu’on veut baiser, ça ne vaut pas la peine. Une chose est sûre, on ne prostitue pas pour le plaisir du sexe. Les filles se prostituent pour avoir de l’argent, pour satisfaire leurs besoins. J’ai réussi à avoir mon business (une boutique de vente de boissons de tout genre et un bar-resto) à travers cela. Ce n’est pas une bonne chose, mais au moins, aujourd’hui, je suis sortie de l’extrême pauvreté. J’apporte de l’aide à ma famille et je prends soins de mes enfants qui sont scolarisés. Je ne le conseille à personne, mais celles qui le font doivent faire en sorte que ça leur soit vraiment bénéfique, pour qu’elles changent leur situation financière. On ne gagne pas l’argent dans la prostitution pour dépenser inutilement », a-t-elle indiqué.

Qu’est-ce qui pousse réellement à la prostitution ?

Les raisons diffèrent d’une prostituée à une autre. Pour Justine, c’est le divorce et les charges de ses enfants qui l’ont entrainé dans ce métier.

 « Je n’avais jamais rêvé faire cela, mais les situations de la vie m’y ont contraint. Quand mon ancien mari m’a abandonné, j’ai fait face seule aux charges de mes deux garçons. Leur nourriture, habilement, santé, et scolarité…, moi-même mes besoins en plus de ceux de ma mère qui garde mes enfants au village. Où trouver l’argent pour supporter toutes ces charges ? La vie devenait de plus en plus compliquée. J’ai servi dans les bars, dans des magasins, mais ce qu’on me payait était très insuffisant. Je me suis lancé dans l’apprentissage, mais je ne suis pas allée au bout faute de moyens. Finalement, je me suis rentrée en prostitution. Grâce à ma forme sexy, je suis désirée par les hommes. Donc, je ne peine pas à avoir de clients quand je sors. Il y avait certaines personnalités qui me payaient bien quand ils couchent avec moi. Par mois, je gagnais plus de trois cent mille (300 000) et j’ai commencé à assoir mon business après avoir payé mes dettes », a laissé entendre dame Justine dans un état de tristesse.

De son côté, Yoyo, une fille de 26 ans rencontrée à St Jo, dit se prostituer pour soutenir son mari en prison. « Ça fait des mois que mon mari est gardé en prison injustement. Il est accusé d’un truc qu’il n’a pas fait.  Je suis donc resté seule avec notre enfant. Ne sachant plus quoi faire pour subvenir aux besoins et même celui de mon mari, je suis rentré dans la prostitution. Je lui envoie de l’argent en prison, mais il ne sait pas que je me prostitue », déclare-t-elle.

Qu’est-ce qui pousse les filles à la prostitution ? Les prostituées se prononcent
Qu’est-ce qui pousse les filles à la prostitution ? Les prostituées se prononcent

Quant à Nathalie, une dame de 39 ans, elle veut bien mettre un terme à la prostitution, mais à une seule condition. « Ça fait des années que je suis fille de joie. Ce n’est pas par plaisir. Je veux bien vivre une vie descente comme les autres femmes, avoir un foyer stable. Mais la vie m’a réservé autre sort. Je le fait pour mon enfant, pour son avenir. J’ai tellement souffert dans ma vie.  Depuis mon enfance, ma vie n’est que souffrance. J’ai décidé qu’en aucun cas mon fils ne va connaitre la même souffrance et donc je fais tout pour lui. Je me prostitue depuis des années pour lui assurer un meilleur avenir. Il est en troisième année à la FASEG. J’ai juré que le jour où il finira ses études et décrochera un bon boulot, j’arrête ce métier, je cesse de me prostituer », a confié madame Nathalie en se fondant en larme.

« Je veux installer mon propre business, et aussi fonder une famille, c’est pourquoi je me prostitue pour gagner de l’argent. Je ne suis pas âgée donc je ne me donne pas totalement aux hommes qui me payent pour baiser. Je me réserve, parce que je ne veux pas être fanée avant d’épouser mon futur mari », a souligné Fafa, jeune fille, prostituée de 22 ans.

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Gagner de l’argent à tout prix tout en mesurant l’ampleur de la dangerosité de leur métier, elles ne badinent pas avec leur hygiène. Elles se font régulièrement dépister des maladies sexuellement transmissibles à l’instar du VIH Sida. D’après Madame Toutouvi, exerçant dans la prise en charge des personnes atteintes du Sida, de la minorité sexuelle (LGBTQ) dans un Centre Medico-Social (CMS) à Lomé, « les prostituées prennent soin de leur organisme. Elles viennent souvent chez nous pour se faire dépister, avoir des conseils et recevoir des produits anti-infections, ainsi que des préservatifs et lubrifiants ».

La prostitution encore appelée le plus vieux métier du monde, évolue aujourd’hui au rythme de la technologie comme les autres métiers. Elle se digitalise. Désormais, les filles n’ont plus besoin d’aller forcement à ACHAO Kpédzi (endroit où s’exposent les prostituées en Ewé, langue locale au Togo), pour avoir de clients. La négociation se passe en ligne. Elles font leur propre publicité sur les réseaux avec (les pseudos comptes, pour celles qui veulent être plus discrètes). Là elles séduisent les hommes qui veulent de leur service. On parle désormais de prostituées VIP. Cette nouvelle façon de faire, permet à des femmes visiblement responsables, des patronnes de salon de beauté, d’esthéticiennes… de se prostituer sans éveiller trop de soupçons. Elles mènent, en somme, une double vie, exercent normalement leur tâche quotidienne, mais se font aussi des revenus en se prostituant en secret.

Stan AZIATO

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