[Dossier]Le calvaire silencieux des serveuses de bar : un fléau qui prend de l’ampleur

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[Dossier]Le calvaire silencieux des serveuses de bar : un fléau qui prend de l’ampleur

Au Togo, l’une des entreprises privées en vogue est l’installation de bars, maquis. Ils poussent de manière anarchique surtout dans la capitale Lomé. Presque chaque maison a son bar ou buvette ouverte. Si les détenteurs arrivent à en tirer profit, ce n’est pas le cas pour les serveuses de bar. Elles tirent farouchement le diable par la queue en s’exposant à des risques de tout genre.

Que ce soit dans les bars, restaurants ou hôtels, on les retrouve. Les serveuses de bar sont habituellement des jeunes filles et parfois des femmes plus ou moins âgées. Leur seul souci, c’est d’avoir de quoi subvenir aux besoins primaires. Et les besoins qui amène la plupart de ces jeunes filles et femmes à faire ce travail, sont divers.

Il y en a, en effet, qui viennent directement du village, désœuvrées et ne sachant pas quoi faire, optent pour ce travail. Elles trouvent tout de suite le raccourci pour subvenir aux besoins qu’imposent la vie de la ville, notamment le loyer, l’eau, l’électricité, le déplacement, sans parler de leur bien-être. Et donc, servir dans un bar est la panacée.

[Dossier]Le calvaire silencieux des serveuses de bar : un fléau qui prend de l’ampleurDans le lot, il y en a, pour qui être serveuse dans un bar ou hôtel est un tremplin. Un moyen d’économiser pour se lancer dans une autre affaire. C’est le cas notamment d’Adeline, jeune femme de 25 ans, célibataire avec un enfant, rencontrée en train de servir dans un bar à Adidogome.

« Je suis apprentie coiffeuse. Je n’ai pas de moyen pour m’assurer les frais d’apprentissage. J’ai aussi un enfant de 5 ans à ma seule charge, parce que son papa et moi sommes plus ensemble. Les charges sont énormes pour moi et donc j’ai décidé de servir dans le bar pour économiser l’argent afin de finir mon apprentissage et aussi subvenir aux besoins de mon enfant et moi ».

La situation est la même chez la jeune dame Holali, la trentaine, serveuse dans un bar dans le quartier Avedji. « Mon ambition, c’est d’ouvrir une boutique. Comme je n’ai pas de moyen, je travaille dans ce bar pour avoir un peu d’argent et lancer mon affaire. Je pourrais aussi installer mon propre bar », a­-t-elle confié.

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Un quotidien assez compliqué pour les serveuses de bar

Le quotidien des serveuses de bar dans ces lieux de travail ne sont pas enviables. Quelques coins de la capitale visités par la rédaction de votre journal Togopost, laisse tout comprendre. Traitement humiliant, salaire dérisoire, abus d’autorité sont entre autres des supplices que vivent ces filles. Ces serveuses de bar sont à la merci de leurs patrons ou patronnes qui les traitent parfois comme des moins que rien. Pas de respect des 8 heures de travail, pas de repos accordé dans la journée, pendant que le salaire reste insignifiant et tombe parfois à compte-goutte.

[Dossier]Le calvaire silencieux des serveuses de bar : un fléau qui prend de l’ampleurLes serveuses de bar subissent en silence. « Vous savez ? Moi je suis divorcée. J’étais dans un foyer de polygamie où il n’y avait vraiment pas la paix. J’ai décidé de divorcer. J’ai mon garçon qui a 17 ans. Il fallait que je trouve quelque chose à faire pour satisfaire mes besoins, et donc c’est ce que j’ai trouvé.  Ici dans ce bar, je suis payé à 25 mille francs le mois. On commence au plus tard à 8 heures pour finir à 22 heures voire plus. On a un seul jour de repos dans la semaine. Le travail est fatigant, mais on le fait, parce qu’on n’a pas mieux. Le salaire ne suffit pas pour nos besoins, mais on est dedans. Parfois ce sont les pourboires qui nous aident un peu. A cause des pourboires, on sacrifie nos jours de repos pour venir travailler, juste dans l’intention de gagner un peu de sous parce qu’on a plus rien en poche », a révélé Holali, serveuse dans un bar à Avedji.

La situation est la même et pire ailleurs. Solange, également serveuse de bar à Agbalepedo, vit le pire. Elle travaille de 10 heures du matin jusqu’à l’aube pour un salaire de 30 mille Francs CFA le mois.

« Chez nous, le travail commence à 10 heures et finit au petit matin. C’est comme ça tous les jours. Sauf notre jour de repos. C’est compliqué et très pénible, mais on n’a pas le choix. Surtout nous qui n’avons pas fréquenté. On est obligé de faire ce genre de travail pour survivre », a-t-elle affirmé.

D’après l’une des serveuses de bar, réclamer une amélioration de condition de travail est synonyme de perte de boulot. « On n’a pas droit à demander une amélioration de condition de travail ou augmentation de salaire. Certaines filles parmi nous ont tenté de demander cela, on les a renvoyées et remplacées par d’autres filles.  Pour ne pas perdre aussi le boulot, on est là. On souffre en silence », a-t-elle ajouté.

Le harcèlement au quotidien

C’est aussi le problème auquel les serveuses de bar sont confrontées dans leur travail de misère. En effet, pour attirer de la clientèle, elles sont contraintes de s’habiller de manière sexy. Et cela fait l’affaire des prédateurs sexuels qui tentent de profiter de leurs situations précaires et même les harceler.

[Dossier]Le calvaire silencieux des serveuses de bar : un fléau qui prend de l’ampleurC’est en tout cas le quotidien de Holali qui se livre à Togopost avec preuve à l’appui. « Vous voyez dans ma messagerie WhatsApp, il y a plus de personnes (clients) qui me courent après.  Quand les clients viennent dès que je les abordent pour servir, la drague commence. Ils demandent mon numéro avec insistance jusqu’à ce que je ne leur donne. Il y a des jeunes garçons, des hommes mariés, etc… Eux tous nous harcèlent. Il y en a, quand ils m’écrivent et je ne réponds pas, ils viennent payer la boisson juste pour insister sur ce qu’ils veulent de moi. C’est dérangeant, mais on va faire comment ? », s’est plainte Holali.

Les harcèlements dont sont victimes les serveuses de bar viennent souvent des clients, mais aussi des employeurs.  Marguerite, jeune fille serveuse rencontrée à Hedzranawoé (communément appelée Maguy) en a été victime. Elle a dû abandonner le boulot, affirme-t-elle « pour être tranquille ».

« Mon patron a décidé de me courir après. Il m’a harcelé durant 2 ans sans arriver à coucher avec moi. Finalement, il a commencé par me violenter verbalement. Je n’avais plus la paix du cœur à chaque fois que je viens travailler.  Finalement, j’ai abandonné ».

Qui pour redresser ce secteur d’activité qui ne respecte en rien les dispositions en matière de travail, mais qui livre les serveuses de bar à une prostitution de circonstance ?

Stan AZIATO

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